12.8.10

Morreu Jaime Semprun, crítico pós-situacionista da civilização industrial


Jaime Semprun faleceu no passado dia 3 de Agosto com 63 anos. Ao longo da sua vida, Jaime Semprun desenvolveu uma crítica radical do Estado e da sociedade industrial.


As suas primeiras obras — La Guerre sociale au Portugal (1975), Précis de récupération (1976), La Nucléarisation du monde (L’Assommoir, 1980, rééd. 1986) — apareceram nas edições Champ Libré. Colaborou também na revista L’Assommoir (1977-1985).
Em Portugal, a editora Antígona traduziu o seu texto A Nuclearização do Mundo.

Em 1984 fundou a revista Encyclopédie des Nuisances sob a forma de fascículos, tendo sido publicados 15 números até 1992.

A revista Encyclopédie des Nuisances, sub-intitulada Dictionnaire de la déraison dans les arts, les sciences et les métiers ( em referência a Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers de Diderot e D'Alembert), situava-se na linha da Internacional Situacionista, ainda que de forma crítica. Os seus principais redactores foram :Jaime Semprun, Miguel Amoros, Pierre Lepetit, Guy Bernelas, Jacques Fredet, François Martin, Pascal Moatti, Jacques Philipponneau, Christian Sébastiani et Jean-Pierre Gomez

No ano seguinte cria as Éditions de l’Encyclopédie des Nuisances (EdN), onde são publicadas obras de Baudouin de Bodinat, Theodore Kaczynski, Jean-Marc Mandosio, William Morris, Bernard Charbonneau, Lewis Mumford e René Riesel, assim como textos de autores tais como Tchouang Tseu, George Orwell, Günther Anders. São também editados novos livros de Semprun: Dialogues sur l’achèvement des Temps modernes (1993), L’Abîme se repeuple (1997), Apologie pour l’insurrection algérienne (2001), Défense et illustration de la novlangue française (2005), Catastrophisme, administration du désastre et soumission durable (2008, em colaboração com René Riesel).

Citações:

« Toute réflexion sur l'état du monde et sur les possibilités d'y intervenir, si elle commence par admettre que son point de départ est, hic et nunc, un désastre largement accompli, bute sur la nécessité, et la difficulté, de sonder la profondeur de ce désastre là où il a fait ses principaux ravages: dans l'esprit des hommes. Là il n'y a pas d'instrument de mesure qui vaille, pas de badges dosimétriques, pas de statistiques ou d'indices auxquels se référer. C'est sans doute pourquoi si rares sont ceux qui se hasardent sur ce terrain. On grommelle bien ici ou là à propos d'une catastrophe "anthropologique" dont on ne discerne pas trop s'il faudrait la situer dans l'agonie des dernières sociétés "traditionnelles" ou dans le sort fait aux jeunes pauvres modernes, en conservant peut-être l'espoir de préserver les unes et d'intégrer les autres. On pense cependant avoir tout dit lorsqu'on l'a dénoncée comme le produit de la perversité "néo-libérale", qui aurait inventé récemment la fameuse "globalisation des échanges": on se défend ainsi de reconnaitre, après tant d'années et de slogans "anti-impérialistes", que cet aspect du désastre a quelque chose à voir avec une logique d'universalisation depuis longtemps à l'oeuvre, et relève de bien plus que d'une simple "occidentalisation du monde". »(1)

(1) « Il faut sans doute être marxiste au Collège de France pour ignorer que la marchandise est par essence, en tant que rapport social, annihilation de toute particularité qualitative et de toute singularité locale au profit de l'universalité abstraite du marché. Si on accepte la marchandise, on doit accepter son devenir-monde, dont chaque marchandise particulière est un agent, avant même d'être fabriquée à Taiwan. »
(Encyclopédie des Nuisances, Remarques sur la paralysie de décembre 1995, mars 1996.)




Crítica ao esquerdismo

Pour apprécier à sa juste valeur la part du gauchisme dans la création du novhomme et dans la réquisition de la vie intérieure, il suffit de se souvenir qu'il s'est caractérisé par le dénigrement des qualités humaines et des formes de conscience liées au sentiment d'une continuité cumulative dans le temps (mémoire, opiniâtreté, fidélité, responsabilité, etc.); par l'éloge, dans son jargon publicitaire de « passions » et de « dépassements », des nouvelles aptitudes permises et exigées par une existence vouée à l'immédiat (individualisme, hédonisme, vitalité opportuniste); et enfin par l'élaboration des représentations compensatrices dont ce temps invertébré créait un besoin accru (du narcissisme de la « subjectivité » à l'intensité vide du « jeu » et de la « fête »). Puisque le temps social, historique, a été confisqué par les machines, qui stockent passé et avenir dans leurs mémoires et scénarios prospectifs, il reste aux hommes à jouir dans l'instant de leur irresponsabilité, de leur superfluité, à la façon de ce qu'on peut éprouver, en se détruisant plus expéditivement, sous l'emprise de ces drogues que le gauchisme ne s'est pas fait faute de louer. La liberté vide revendiquée à grand renfort de slogans enthousiastes était bien ce qui reste aux individus quand la production de leurs conditions d'existence leur a définitivement échappé : ramasser les rognures de temps tombées de la mégamachine. Elle est réalisée dans l'anomie et la vacuité électrisée des foules de l'abîme, pour lesquelles la mort ne signifie rien, et la vie pas davantage, qui n'ont rien à perdre, mais non plus rien à gagner, « qu'une orgie finale et terrible de vengeance » (jack London).
Véritable avant-garde de l'adaptation, le gauchisme (et surtout là où il était le moins lié au vieux mensonge politique) a donc prôné à peu près toutes les simulations qui font maintenant la monnaie courante des comportements aliénés. Au nom de la lutte contre la routine et l'ennui, il dénigrait tout effort soutenu, toute appropriation, nécessairement patiente, de capacités réelles : l'excellence subjective devait, comme la révolution, être instantanée. Au nom de la critique d'un passé mort et de son poids sur le présent, il s'en prenait à toute tradition et même à toute transmission d'un acquis historique. Au nom de la révolte contre les conventions, il installait la brutalité et le mépris dans les rapports humains. Au nom de la liberté des conduites, il se débarrassait de la responsabilité, de la conséquence, de la suite dans les idées. Au nom du refus de l'autorité, il rejetait toute connaissance exacte et même toute vérité objective : quoi de plus autoritaire en effet que la vérité, et comme délires et mensonges sont plus libres et variés, qui effacent les frontières figées et contraignantes du vrai et du faux. Bref, il travaillait à liquider toutes ces composantes du caractère qui, en structurant le monde propre de chacun, l'aidaient à se défendre des propagandes et des hallucinations marchandes.
L’abîme se repeuple (éditions de l’Encyclopédie des nuisances, 1997)